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Guide de Lean Management à l'usage des équipes Agiles

De satisfaire le client à comprendre son attente

Dans cet article, vous apprendrez à identifier plus finement les développements nécessaires pour résoudre vraiment le problème de vos clients.

Il est extrait du Guide de Lean Management à l'usage des équipes agilesGuide de Lean Management à l'usage des équipes agiles constitué de 3 parties :

  1. Comprendre l'attente du client ;
  2. Visualiser le challenge et les problèmes ;
  3. Trouver les leviers de l'amélioration.

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I. Pratiques agiles

I-A. L'inspiration du manifeste

Le manifeste Agile met le client au centre des préoccupations du développement Agile de logiciels. Les signataires insistent en particulier sur la nécessité de collaborer avec le client pour répondre à son besoin : « la collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle. »

Dans une approche Agile, le périmètre du produit n'est pas figé. L'équipe doit fournir au client toutes les informations qui lui permettent d'optimiser la production de valeur en fonction de l'effort fourni. En contrepartie, le client est coresponsable de l'atteinte de l'objectif. Il s'implique de manière régulière dans la redéfinition du périmètre fonctionnel. Scrum préconise ainsi l'activité de « Product backlog grooming » tout au long du projet.

Nous retrouvons plusieurs fois mentionné le client dans les douze principes.

  • « Notre plus haute priorité est de satisfaire le client en livrant rapidement et régulièrement des fonctionnalités à grande valeur ajoutée. »
  • « Les processus Agiles exploitent le changement pour donner un avantage compétitif au client. »
  • « Les utilisateurs ou leurs représentants et les développeurs doivent travailler ensemble quotidiennement tout au long du projet. »

L'équipe de réalisation et le client adoptent une posture d'apprentissage à la fois du processus et du produit. Postulat de l'agilité : le besoin n'est pas complètement identifiable en amont de la réalisation et de nombreux changements ultérieurs imposeront à l'ensemble des acteurs de s'adapter en cours de réalisation. Seule une collaboration étroite entre tous les intervenants permettra cet apprentissage.

En agilité, satisfaire le client suppose d'abord de se donner la possibilité d'expérimenter, puis de tirer des enseignements du résultat des expériences afin de redéfinir les prochains éléments à produire.

I-B. Focus produit

La démarche traditionnelle présuppose que le besoin du client peut être « capturé ». Il est clairement identifié, n'évoluera plus et fait l'objet de spécifications détaillées.

Adoptant une position très différente, les agilistes sont obsédés par une question : « sommes-nous en train de construire le bon produit ? ».

Le focus est ainsi déplacé du projet vers le produit. Scrum ancre encore davantage cette importance de l'orientation produite en répartissant les responsabilités anciennement confiées au chef de projet vers un nouveau triumvirat : équipe, Scrum Master et Product Owner.

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Le Triumvirat Agile

I-C. La mise en pratique quotidienne

I-C-1. Le bon produit

Comme nous l'avons rappelé, l'équipe Agile s'attelle en priorité au défi de livrer rapidement et régulièrement des fonctionnalités au client. Cela permet de confronter son attente à la réalisation. Ensemble, ils inspectent le travail réalisé, puis décident des adaptations nécessaires pour se rapprocher de la satisfaction du besoin.

I-C-2. Itérations et approche empirique

Les équipes agiles adoptent ainsi un processus qui s'appuie sur des itérations courtes (deux à quatre semaines en Scrum). Elles mettent en œuvre une approche empirique reposant sur une succession rapide et régulière d'essais-erreurs-corrections.

I-C-3. Spécifier en favorisant la communication

Dans l'objectif de pouvoir livrer rapidement, les exigences fonctionnelles sont découpées en petits éléments qui permettront une focalisation sur de petits lots porteurs de valeur.

Pas de spécification détaillée exhaustive en amont, mais une précision juste à temps (au moment où les fonctions vont être réalisées) sous forme de conversation entre le représentant de l'équipe et le client.

Une pratique courante consiste à formaliser ces éléments sous la forme de User Stories. Ces histoires utilisateur combinent une concision imposée (doit tenir sur une carte) et la détermination de tests d'acceptation par le client (doit être testable).

I-C-4. Comment maximiser la valeur ?

Pour déterminer le contenu fonctionnel de la prochaine itération, l'équipe Agile collabore avec le client en vue de maximiser la valeur ajoutée au produit. Ensemble, ils établissent une liste des prochains éléments à réaliser en précisant l'ordre dans lequel ces éléments doivent être produits. L'ordre déterminé tient compte en priorité de la valeur d'un élément et de l'effort nécessaire à sa réalisation.

En agilité, l'estimation de l'effort n'est pas l'affaire d'un seul individu. Les personnes devant réaliser sont les mieux placées pour estimer. La pratique du Planning Poker permet par exemple d'obtenir une estimation collective de l'effort de réalisation, tout en contribuant à diffuser la compréhension du produit à réaliser.

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User Stories

I-C-5. Le logiciel opérationnel

Le manifeste insiste sur l'importance de la production d'un logiciel opérationnel : « Un logiciel opérationnel est la principale mesure d'avancement. »

L'obtention de ce logiciel opérationnel en fin d'itération permet à l'ensemble des acteurs de se réunir pour passer en revue les éléments terminés (conformément à la définition de « terminé » établie au préalable avec le client). Cette réunion permet de vérifier l'adéquation de la production au besoin. Les participants obtiennent des informations qui sont exploitées lors de la planification du contenu de la prochaine itération.

I-C-6. Le bon produit et le maximum de valeur ?

Seule la mise à disposition des éléments finalisés auprès des utilisateurs finaux permet de déterminer si l'équipe a construit le bon produit porteur de valeur.

En conséquence, l'objectif ultime de l'équipe Agile consiste à se mettre en mesure de mettre en production immédiatement les éléments validés lors de la revue (Continuous delivery), éliminant jusqu'au besoin de définir des versions (releases).

« Nous découvrons comment mieux développer des logiciels par la pratique ».

La communauté Agile explore de plus en plus le concept du Right Product en expérimentant des pratiques très diverses (inspiration du Lean Startup, notion de Minimal Viable Product), souvent fondées sur une représentation visuelle des concepts (Persona, Impact Mapping, Story Mapping, Empathy Map…).

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Exploration du « right product »

Elle cherche également à tirer le meilleur parti de la spécification par l'exemple en allant jusqu'à l'automatisation des tests fonctionnels (BDD pour « Behaviour Driven Development », etc.).

Les sections qui suivent décrivent les expériences de quelques praticiens agiles qui ont mis en œuvre des pratiques lean pour mieux comprendre les attentes de leur client.

II. Scène de crime : apparition mystérieuse au cabinet dentaire

Un réseau de dentistes cherche à s'informatiser pour saisir les données de ses patients, aussi bien dans les établissements d'accueil spécialisés que dans les centres de soin en ville ou à l'hôpital.

Lors du recueil des besoins, avec mon équipe de développement, nous avons découvert que les dentistes sont en fait « des geeks qui aiment les Macs ». Nous avons identifié ce qui est important pour eux : la facilité de prise en main, la convivialité et l'utilisation de la souris.

II-A. Observation sur le terrain

Nous réalisons un go&see(1) en nous rendant sur le terrain (le gemba(2) , en terme lean) pour voir comment travaille un praticien.

Le praticien interroge le patient sur ses antécédents et éventuelles allergies, puis examine sa dentition pendant qu'une autre personne saisit au fur et à mesure les informations données par le praticien : « Soin conservateur en 21 !».

C'est sur le gemba que se produit le déclic. L'objectif du dentiste est de faire dix vacations par jour. Occupé à soigner le patient, il n'a pas les mains libres pour effectuer la saisie. Il réussit son challenge grâce à son assistante qui saisit les données au fur et à mesure de l'examen. Notre hypothèse selon laquelle l'utilisateur premier était le dentiste se révèle erronée.

Or, pour aller plus vite, cette assistante n'utilise que les touches du clavier : pas une minute à perdre pour enchaîner ces dix vacations.

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Contexte d'utilisation du logiciel

II-B. Vérification de l'observation

Ce que nous avons observé change notre perception de l'usage de cette application.

Une fois rentrés, nous menons une expérimentation en navigant uniquement avec les tabulations du clavier. C'est une catastrophe ! L'utilisateur est baladé de haut en bas, le faisant tourner en girouette.

II-C. Action corrective

L'équipe change la navigation pour que les tabulations suivent l'ordre dans lequel l'assistante effectue la saisie.

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Nouveau schéma de navigation au clavier

II-D. Le mot de l'assistante : merci Go&See

Sans cette visite au cabinet, là où les choses se passent, nous n'aurions pas détecté les attentes ergonomiques spécifiques de l'assistante. Le logiciel l'aide maintenant correctement pour remplir sa mission.

Qu'avons-nous fait ?

  • aller voir le client, sur son lieu de travail, pour mieux comprendre son contexte ;
  • confronter nos hypothèses avec la réalité du gemba ;
  • adapter l'outil à l'usage dans son contexte ;
  • puis retourner sur le terrain pour confirmer la valeur apportée.

Le résultat

Nous avons découvert un nouvel utilisateur et ses attentes ergonomiques, ce qui nous a amenés à adapter le logiciel pour lui en faciliter l'usage.

Ce que j'ai appris

Toute hypothèse sur le client doit être confrontée à la réalité du gemba. C'est une excellente pratique pour identifier la valeur et les préférences du client.

III. Scène de crime : vie et mort d'une idée géniale

III-A. Une idée géniale

Lors d'un atelier regroupant des créateurs de startups, les participants les plus courageux « pitchent » leur idée. L'un d'entre eux a une intuition formidable : créer un guide touristique international, proposant « les bons plans des autochtones ». Lorsqu'on visite Venise l'été, plutôt que de suer dans un bain de foule sur la place Saint-Marc, autant aller siroter un Spritz (la boisson locale) au comptoir du bacaro d'une petite place ombragée. Les Vénitiens le savent bien. Le touriste moyen, lui, ne sait pas où trouver ces bons plans.

Très vite, d'autres participants viennent renforcer notre petite équipe naissante et la machine s'emballe. On se retrousse les manches, et on travaille déjà sur les questions fondamentales : comment récolte-t-on ces astuces ? Combien peut-on vendre ce guide ? etc.

Tout le monde est motivé, prêt à attaquer le développement du site web et de l'application mobile correspondante.

III-B. Aller voir vos clients

L'animateur intervient en nous demandant d'aller à la rencontre de nos futurs clients. Le lean appelle cette pratique : écouter « la voix du client »(3). Notre mission : comprendre comment, aujourd'hui, les touristes trouvent leurs bons plans.

Profitons de notre situation, en plein cœur de Paris, pour rencontrer des touristes avides d'astuces de Parisiens.

III-C. Désillusion

Deux heures plus tard, nous voilà de retour, dépités.

Que s'est-il passé ? L'entrepreneur explique : « Je tombe des nues. On en a vu, des touristes. Mais aucune réponse sur leur difficulté à trouver de bons plans locaux, puisqu'ils n'en cherchent pas. Les plans locaux, ça ne les intéresse pas. Ce qui a de la valeur pour eux, c'est de trouver le bon chemin pour aller voir la tour Eiffel. »

III-D. La leçon à tirer

L'histoire de cette idée géniale se termine ici. Mais pas celle de notre équipe d'entrepreneurs : quelques minutes leur ont suffi pour trouver une nouvelle idée géniale. Mais cette fois-ci, en commençant par une visite terrain(4) avant de s'emballer.

Voilà une belle fin, puisqu'au cours de cette histoire, aucun développeur n'a dû développer un logiciel inutile. L'entrepreneur a pu consacrer l'énergie économisée à d'autres projets plus prometteurs.

L'erreur de l'entrepreneur peut sembler évidente, mais elle est pourtant très répandue. Son idée, comme toutes les idées, reposait sur des hypothèses. L'une de ces hypothèses (« les touristes recherchent les bons plans locaux »), qu'il considérait pourtant comme une évidence, ne correspond pas à la réalité. Cette illusion d'évidence, renforcée par le confort du bureau, retient bien des entrepreneurs, et au moins autant de Product Owners, d'aller se confronter à la réalité. Ils manquent ainsi l'opportunité de valider leurs hypothèses sur les besoins des utilisateurs et les problèmes que ceux-ci rencontrent dans leurs activités.

Qu'avons-nous fait ?

  • aller voir plusieurs touristes, les utilisateurs potentiels ;
  • confronter ses hypothèses avec la réalité du terrain.

Le résultat

Nous avons compris que la valeur pour cette cible est ailleurs, ce qui a évité de perdre du temps à développer une application qui ne rencontre pas son marché.

Ce que j'ai appris

La manière la plus efficace de valider des hypothèses sur les attentes du client est d'aller voir les utilisateurs potentiels.

Plus vite nous confrontons ces hypothèses à la réalité du terrain, plus nous gagnons du temps sur la création de la valeur.

IV. Scène de crime : la catégorie mystère du projet Condor

Un opérateur télécom vend aux entreprises une solution de centre d'appels virtuels. Cette solution est développée par notre équipe Agile de sept personnes. Nous avons hérité d'un code de mauvaise qualité que nous améliorons progressivement. Cependant, nous sommes confrontés à environ deux signalisations(5) par jour de nos utilisateurs finaux. Cela provoque une tension avec le management, notre commanditaire est furieux, et les relations avec les exploitants sont difficiles.

IV-A. Catégorisation des incidents

Je décide de prendre le cas au sérieux. Pour cela, je commence par lire les tickets d'incidents dans l'outil de ticketing du SAV. Il y a beaucoup de types de tickets différents. Je les compte et les catégorise. Cela constitue un bulletin de santé que j'affiche sur le mur à l'entrée de notre War Room.

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Bulletin de santé du projet Condor

IV-B. Analyse du problème

Les trois catégories les plus volumineuses sont :

  1. Formation utilisateur : les utilisateurs ne comprennent pas comment fonctionne l'application ;
  2. Réseau et plateforme : pas directement liée à des défauts logiciel ;
  3. Mystère : nous ne savons pas identifier l'origine de la signalisation.

Première surprise, le grand gagnant est la catégorie « mystère ». Deuxième surprise, il y a finalement une minorité de signalisations liées à la qualité logicielle. Par ailleurs, je me rends compte que de nombreux tickets sont restés sans réponse : ils étaient abandonnés dans l'outil.

IV-C. Identifier l'origine

Désarçonnés par le flou de ces tickets mystère, nous décidons d'avancer sur notre problème en nous donnant les moyens d'identifier l'origine des prochaines signalisations. Nous faisons un travail important d'amélioration des logs de l'application. Les récapitulatifs quotidiens qui remontent par mail les erreurs et les warnings contiennent plusieurs centaines de lignes hétérogènes. Nous donnons un format standard à ces logs, en décrivant les informations devant y figurer (client, identifiant d'appel, raison de l'erreur avec un élément de contexte).

Nous nous rendons compte qu'il est difficile de suivre un appel téléphonique entier, car certains logs sont sur les SVI (Système Vocal Interactif) et d'autres sont sur les serveurs d'application. Nous développons un script d'agrégation pour consolider chronologiquement ces sources différentes.

Nous faisons alors diminuer drastiquement la catégorie mystère de 30% à 5%.

IV-D. Gestion du timeout

Maintenant que nous voyons plus clair, un motif important de signalisation semble lié au protocole de communication avec le serveur du réseau télécom qui est basé sur de l'UDP. Rien ne garantit dans ce protocole que l'information ne soit pas perdue. Dans un certain nombre de cas, la perte d'un événement entraîne le blocage des appelants sur une file d'attente du SVI. Il faut attendre le timeout du SVI qui est de 30 min. C'est inacceptable pour l'équipe. Nous décidons de mettre en place un mécanisme de gestion de timeout. Cela demande d'ajouter une couche de simulation du temps pour la compatibilité avec les tests automatiques.

IV-E. Point d'étape

L'équipe est satisfaite, car elle a fait diminuer les signalisations liées à la perte d'appel. Elle évite à des personnes de payer 30 minutes avant de se faire raccrocher au nez.

Comme certains tickets sont toujours inexpliqués, nous décidons d'envoyer un binôme en observation chez le client ayant le trafic le plus élevé.

IV-F. Observation chez le client

Accueillis dans une atmosphère tendue, nous allons observer les agents du centre d'appel avec leur superviseur.

Sous nos yeux, une opératrice double-clique sur le bouton de pause. Cela a pour effet de demander une pause et de sortir de pause immédiatement. Surpris, nous lui demandons pourquoi elle fait cette opération. Elle nous explique qu'elle repasse ainsi devant ses collègues dans la file d'attribution des appels, afin de prendre plus d'appels. Le superviseur nous explique que les agents sont intéressés au nombre d'appels traités. Sidérés, nous comprenons alors les incidents de distribution d'appels remontés par les autres, étonnés que leur collègue leur passe devant.

Devant nous, un autre agent prend un appel et souhaite appuyer sur une touche de fonction pour afficher une information de leur outil de CRM. Ce faisant, sa main effleure le bouton « raccrocher » et elle perd l'appel sans comprendre pourquoi. Nous venons de résoudre un autre ticket non reproductible. Mais pas seulement. Le superviseur qui nous accompagne a assisté à la scène et comprend que le problème ne vient pas de l'application, mais de l'ergonomie des postes de travail. Il fait rehausser les postes téléphoniques pour qu'ils soient plus éloignés des claviers.

Plus tard dans l'après-midi, une opératrice redirige un appel vers l'hôtel de Roissy. Une personne de l'équipe de développement qui nous assiste à distance précise que l'appel est perdu. Nous allons voir la configuration de l'application et réalisons que le numéro de l'hôtel est erroné. Voilà l'explication des erreurs de type RouteSelectFailure. Nous avions longtemps privilégié la fausse piste des problèmes de standard chez le client.

Nous partons dans un climat plus détendu : les agents sont contents d'avoir été écoutés et nous sommes soulagés d'avoir supprimé trois causes de signalisation.

Qu'avons-nous fait ?

  • Commencé par visualiser notre problème ;
  • Protégé le client en écoutant et en prenant au sérieux ses plaintes ;
  • Nous rendre sur le gemba(6) en lisant les tickets de support puis en allant voir l'utilisateur en action.

Le résultat

Cela s'est traduit par une baisse drastique de signalisations en passant de deux par jour à une par semaine. Nous avons également ajouté une couche de simulation du temps qui nous a servi ultérieurement.

Ce que j'ai appris

Aller sur le gemba est inconfortable, notamment chez un client insatisfait, mais d'une grande richesse d'apprentissage. Paradoxalement, c'est aussi un gain de motivation.

En sortant du périmètre de l'équipe pour aller voir le client, nous avons pu aboutir à la résolution définitive d'un grand nombre de problèmes qui paraissaient hors de notre portée.

V. Principes lean

V-A. Comprendre le besoin profond du client

La démarche d'amélioration du lean commence par la définition d'un objectif clair et partagé par tous. Cet objectif est construit en prenant comme première référence la satisfaction complète des clients du projet.

Or l'expérience montre un écart fréquent entre ce qu'un client exprime et ce qui le satisfait réellement. Cette difficulté s'explique de plusieurs manières :

  • Il lui est difficile de formuler les exigences du logiciel sans y ajouter ses propres préférences ou interprétations.
  • La demande le met en situation de concepteur de logiciels - un métier pointu auquel il n'est souvent pas formé.

Le lean propose un ensemble de pratiques et principes efficaces pour cibler les besoins réels du client et affiner la compréhension de ses préférences.

Tout d'abord, dans un contexte de développement logiciel, il faut identifier quels sont les vrais clients du projet. Il en existe trois grandes familles :

  • l'utilisateur final, celui à qui va profiter directement le logiciel au quotidien ;
  • le commanditaire, qui paie la prestation de développement et en attend un retour économique. Sa satisfaction dépend de celle de l'utilisateur final, mais aussi d'autres paramètres qui s'évaluent au niveau de l'entreprise ;
  • les équipes en aval de l'équipe de développement qui vont tester, exploiter, et fournir du support.

Dans un contexte Agile, il est important de ne pas considérer a priori le Product Owner comme étant le « client » au sens lean du projet. Dans de nombreux cas, le Product Owner désigné pour le projet est plutôt un représentant du commanditaire et des utilisateurs. D'un point de vue lean, il est donc plutôt du côté de l'équipe, et les « clients » au sens lean restent principalement les utilisateurs et le commanditaire.

Chacun de ces clients a ses propres attentes, qu'il faut identifier et satisfaire. Le lean offre une structure pour guider cette exploration, basée sur cinq axes :

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Les cinq attentes du client

Les pratiques qui suivent constituent un bon point de départ pour entamer ce travail de détective.

V-B. Se faire sa propre opinion en allant observer le client sur le terrain

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Le véritable besoin du client ne se déniche pas dans une salle de réunion. Il faut aller le trouver sur le terrain, là où l'action se passe - un lieu que les praticiens du lean appellent le « gemba ». Dans un contexte Agile, il s'agit de l'endroit où l'utilisateur sera amené à utiliser le logiciel.

Simple d'apparence, cette observation recèle toutefois un piège : le « go&see » peut se transformer rapidement en « go&talk », bien souvent à l'initiative de la personne observée. Quelques points doivent être respectés pour éviter cet écueil :

  • expliquer à la personne observée l'objectif et les modalités de l'observation, en précisant qu'il s'agit d'une observation et non d'une interview. Si nécessaire, il est possible de demander à cette personne de « penser à voix haute » pour mieux comprendre ce qu'elle cherche à faire ;
  • observer le plus longtemps possible sans parler ;
  • répondre poliment à ses questions et l'inviter à reprendre son activité.

Une bonne observation doit apporter des éléments de réponse à deux questions :

  • Que cherche à faire l'utilisateur dans ce contexte précis ?
  • Quels sont les obstacles qu'il rencontre pour atteindre son objectif ?

Les deux exemples « Apparition mystérieuse au cabinet dentaire » et « Vie et mort d'une idée géniale » illustrent les prises de conscience importantes que provoquent habituellement des observations réussies.

En termes lean, ces observations amènent l'équipe à observer le processus de son client : où se trouve la valeur à ses yeux et quels sont les gaspillages à éliminer ?

Avec les équipes en aval, l'exercice est quasiment identique, mais l'attention porte essentiellement sur l'identification des gaspillages que les livraisons de l'équipe Agile génèrent chez ces autres équipes. L'équipe Agile met-elle ces dernières en condition de réussir ?

Dans le cas du commanditaire, l'exercice consiste à comprendre comment il mesure le succès et les quelques points qui sont véritablement essentiels pour lui. Comme pour l'utilisateur, le « go&see » n'est pas un « go&talk ». L'observateur découvre par exemple que le commanditaire est sensible à telle ligne précise dans un reporting comportant des centaines de pages.

V-C. Définir le problème à résoudre et la façon de mesurer le succès

Plutôt que de définir l'attente du client sous la forme d'une solution à mettre en œuvre (les fonctionnalités à développer), le lean pose la question du problème global auquel le projet doit apporter une solution pour satisfaire ses utilisateurs et commanditaires.

Une fois le problème posé, il s'agit de définir la façon dont il sera possible de vérifier que le projet l'a bien résolu. L'équipe se dote d'indicateurs objectifs qui reflètent ce succès.

Quelques exemples :

  • améliorer la qualité : taux d'erreur commis par les utilisateurs, volume d'incidents ;
  • augmenter les ventes : taux d'ajout d'articles dans un panier d'un site de e-commerce ;
  • augmenter la notoriété : nombre de « J'aime » sur Facebook, nombre de tweets ;
  • réduire les délais : le temps pour acheter un billet de train, le temps pour approuver une demande de crédit ;
  • éliminer des gaspillages : productivité des utilisateurs ; (7)
  • réduire les irritants : taux de perte des visiteurs sur un site web.

Cette démarche est fondamentale pour aligner l'ensemble des acteurs du projet sur un objectif clair, objectif et indiscutable. Des conditions de succès claires permettent de définir des problèmes clairs à résoudre ensemble, de mieux choisir les fonctionnalités et les sujets d'amélioration, et de vérifier que les idées d'amélioration mises en œuvre portent leurs fruits. Il s'agit de la fondation de la démarche d'amélioration du lean, basée sur la technique du Plan-Do-Check-Act (PDCA) présentée plus loin dans ce guide.

V-D. Expérimenter pour valider ses préférences

Chaque fonctionnalité est porteuse d'incertitude. Il se peut que :

  • malgré ses observations sur le terrain, l'équipe ait mal compris l'attente des clients ;
  • la fonctionnalité ne résolve pas le problème dans le contexte de certains utilisateurs ;
  • la fonctionnalité crée de nouveaux problèmes insoupçonnés.

Pour éviter cela, il est nécessaire de procéder à de nouvelles observations terrain après les livraisons. Il s'agit de la phase de « Check » de la résolution de problèmes, qui peut être appliquée à la fin de chaque itération.

V-E. Prendre très au sérieux chaque réclamation client

Chacune des réclamations des clients est une opportunité d'apprentissage, car elle pointe soit sur un élément que l'équipe n'a pas compris, soit sur une faille dans son fonctionnement.

En pratique, le travail sur les réclamations se traduit par la recherche de la cause racine du problème qui a amené le client à se plaindre. Ceci conduit l'équipe à :

  • mieux comprendre le contexte de son client ;
  • revoir ses convictions sur son analyse ;
  • trouver des solutions pour éliminer la cause racine et éviter que cela se reproduise.

Cette activité d'analyse des réclamations repose également sur la démarche de résolution de problèmes. L'exemple « La catégorie mystère du projet Condor » présente une équipe qui choisit de traiter chaque signalisation utilisateur comme un problème de qualité.

V-F. Valeur et gaspillages

Tout ce travail d'investigation et d'analyse a pour objectif de trouver la valeur pour le client. C'est seulement une fois qu'elle est clarifiée qu'apparaissent clairement les obstacles : les gaspillages qui occasionnent des pertes de temps pour les utilisateurs ou ceux qui construisent le logiciel.

Les gaspillages s'observent à de nombreux niveaux :

  • dans l'activité de l'utilisateur - il faut alors comprendre comment les éliminer en améliorant le logiciel ou le support ;
  • dans l'activité de traitement du logiciel - installation, exploitation, sauvegarde, etc. ;
  • dans l'activité de développement du logiciel.

Les pratiques lean ont pour objet d'impliquer l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise dans la recherche permanente de création de valeur pour les clients, en utilisant l'élimination des gaspillages comme autant d'opportunités de libérer le temps précieux de ces collaborateurs. Deux de ces pratiques principales sont présentées dans les chapitres suivants.

VI. Premiers pas

Pour renforcer votre compréhension des attentes de vos clients, nous proposons ces exercices :

VI-A. Allez observer le client sur le terrain

Pour votre projet actuel, allez voir trois utilisateurs distincts sur leurs lieux de travail

  • Pour chacun des utilisateurs, observez pour comprendre.

    • Que cherche-t-il à faire ?
    • En quoi la structure actuelle pose-t-elle un problème ?
  • Qu'apprenez-vous de nouveau sur leur contexte ?

    • La solution qui est prévue résout-elle vraiment leur problème ?

VI-B. Clarifiez le problème et mesurez le succès

Pour votre projet actuel, menez l'investigation pour répondre à ces questions :

  • Quel est le bénéfice attendu du logiciel ? Est-ce qu'il permet de résoudre complètement le problème du client ?
  • Exprimez-le en termes de délais, qualité et coût pour l'utilisateur et pour le commanditaire.

VI-C. Expérimentez pour valider les préférences du client

Prenez les stories livrées de votre dernière itération et posez-vous ces questions :

  • Quel est le bénéfice attendu de ces stories ?
  • Quelles observations devez-vous faire sur le terrain pour vérifier qu'elles ont porté leurs fruits ?

Allez mener l'observation. Qu'avez-vous appris ? Quels sont les impacts ?

VI-D. Regardez les réclamations

Prenez les trois dernières réclamations client. Pour chacune, menez ces investigations :

  • Quelle est la cause racine du problème ?
  • Qu'apprenez-vous sur le contexte et les attentes de votre client/utilisateur ?
  • Comment pouvez-vous vous assurer que ce problème ne survienne à nouveau ?

VII. Aller plus loin

VII-A. Le lean au service du client

  • Jim WOMACK et Dan JONES - Édition Vuibert

Allez à la racine

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go&see est une pratique lean : cf. la section « Principe lean » de ce chapitrePrincipes lean.
gemba désigne l'endroit où les choses se passent. Cf. la section « Principe lean » de ce chapitrePrincipes lean.
La voix du client est une pratique lean qui permet de capturer les attentes du client. Cf. la section « Principe lean » de ce chapitrePrincipes lean
Visite terrain se réfère à une pratique lean, le go & see pour se forger ses propres opinions sur le contexte et les attentes du client. Cf. la section « Principe lean » de ce chapitrePrincipes lean.
Nous appelons « signalisation » un incident remonté par l'utilisateur.
gemba désigne l'endroit où les choses se passent. Cf. la section « Principe lean » de ce chapitrePrincipes lean.
Attention toutefois sur ce dernier point : l'équipe doit rester vigilante à ne pas asservir l'humain à la machine. La vision lean considère la technologie comme un outil mis au service de l'intelligence humaine.

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Le contenu de cet article est rédigé par Philippe Blayo et est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transposé.
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